Cocktails chimiques et saveurs explosives, la junk-food rend accro comme la cigarette. Mais sous la pression des autorités, tout est en train de changer. Entre burger écolo et culte du «fresh», enquête sur une nouvelle malbouffe qui va vous faire du bien. Ou pas du tout…
« Docteur, j’ai la bite orange… » C’est la sale blague que connaissent tous les Américains, à propos des chips au fromage Cheez Doodles. Un homme se rend chez son médecin pour lui montrer son pénis anormalement orangé. Le toubib lui demande s’il travaille dans un endroit avec des produits chimiques dangereux. L’autre lui répond qu’il est sans emploi. « Alors qu’est-ce que vous faites toute la journée ? _ Rien du tout Docteur, je regarde des films pornos et… je mange des Cheez Doodles ! » Traduction : les apéritifs au fromage sont tellement gorgés de composants industriels que leur couleur mimolette a déteint sur le sexe du malheureux pendant qu’il s’affairait dans son caleçon. Aux Etats-Unis, on appelle ça du « snackerbating » ou l’art de la glandouille aux graisses saturées devant la TV. Mais l’expression vaut désormais pour toute la planète junk-food, tant les cocktails explosifs qui composent les produits de la restauration rapide (et ceux du snacking – NDLR) sont devenus une source d’inquiétude assumée. Voire un motif de jouissance nationale…
Comme la cigarette
« La junk-food est plus qu’une combinaison ingénieuse d’ingrédients », explique, admiratif, David Kessler, neurologue et ancien dirigeant de la très puissante FDA (Food and Drug Administration), l’agence de sécurité alimentaire américaine. « C’est un ensemble de créations gustatives extrêmement complexe, une expérience multi-sensorielle pour le cerveau. Le design culinaire de certains hamburgers, par exemple, ne vise pas l’excellence mais vraiment l’irrésistible. Les goûts de la viande, du pain, des oignons, du fromage et de la sauce tomate, fusionnent dans la bouche comme une sorte de nourriture bébé pour adultes ». Un prodige biochimique qui, pour ce médecin à l’origine de la lutte contre les lobbys du tabac (et leurs recettes déguisées pour créer une accoutumance chez les fumeurs – NDLR), ressemble à s’y méprendre aux effets de la nicotine. « Personne n’a jamais raconté aux gens la manière dont leur cerveau a été capturé par la junk-food », ajoute David Kessler. Mais en fait, c’est exactement la même chose que la cigarette. En combinant à l’infini graisses, sucre et sel, les géants du burger et du snacking tapent dans le mille de la zone du plaisir qui demande chaque jour un peu plus sa dose. Quand on nous parle des dangers de la suralimentation, on oublie de dire que nous sommes juste drogués. »
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