L’école du vigneron d’argent

Capture du 2015-06-12 10:31:30Faire son propre vin à Bordeaux ? C’est possible avec Crushpad, une bolte américaine qui fournit les meilleurs vignobles en colocation, le matériel et les experts, pour le prix… d’une voiture. Un busines étonnant qui peut rapporter gros.

 

« On se la joue à la française », rigolent Erin et Paul Fistori de Boston. Comme leurs amis vignerons d’Angleterre, de Suisse, d’Europe de l’Est et même de Chine, ils ont dépensé entre 7800 et 9 000 euros pour faire leur propre vin à Bordeaux. Ou plus exactement à Château Teyssier, près du village de Saint-Emilion. Alors, ils n’en ratent pas une grappe, participent aux vendanges, au tri, au pressurage, à ]’assemblage et à la mise en bouteile. Un processus qui peut durer de 12 ou 24 mois selon les cépages, mais surtout un business de vigneron du dimanche qui génère déjà aux Etats-Unis un chiffre d’affaires de 9 millions de dollars par an.

26 euros la bouteille à son effigie
Permettre aux viticulteurs en herbe de fabriquer leur propre vin sans avoir à acquérir une propriété, en mettant à leur disposition moyens matériels et conseils d’experts ? C’est l’idée de génie qu’a eue en 2004 un certain Michael Britt, le fondateur de Crushpad, en plantant des pieds de Pinot dans son jardin de San Francisco. Quatre ans plus tard, il était assis sur un tas d’or et un portefeuille de 5 000 clients. Crushpad ? Un concept révolutionnaire de
« vignoble en colocation », pourrrait-on dire, où chaque amateur de vin choisit sa propre parcelle, son type de fermentation, le mode de veillissement, le style de la bouteille et même de l’étiquette. Ça fait un peu cher des vacances dans les vignes. Mais à raison de 225 litres de vin par vigneron, le vin à son effigie revient à 26 euros la bouteille en moyenne. Un tarif qui donne accès en France aux meilleures parcelles de Bordeaux, comme celles de Cabernet Sauvignon situées à côté des grands crus classés à Pauillac, à Margot et en Haut-Médoc, ou celles de Merlot et Cabernet Franc à Saint-Emilion sur les terres de Jonathan Malthus. Un viticulteur qui remporte régulièrement de nombreux prix pour ses micro-cuvées (Le Dôme, Les Astéries, etc.) et reçoit les bonnes grâces du tout-puissant Robert Parker* …

Mélange des cépages
« Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’on permet à n’importe qui, passionné de vin ou non, de devenir un vrai vigneron en accédant aux vignobles top-niveau, tout en étant conseillé par les meilleurs experts, explique Stephen Bolger, le créateur de la filiale française de Crushpad . Nos consultants sont recherchés dans le monde entier, comme par exemple, Eric Boissenot qui est l’oenologue de quatre des cinq premiers grands crus classés de Bordeaux (Lafite Rothschild, Mouton Rothschild, Château Margaux, Château Latour). » Et si on veut récolter son propre vin sans travailler ? « On invite nos clients à s’impliquer du début à la fin dans la fabrication de leur vin. Mais tout ce qu’ils ne veulent pas faire, on le fait pour eux. » Car pas de moins de sept étapes ponctuent la création de son propre pinard d’élite à Château Teyssier. D’abord, il faut définir avec les conseils des experts de Crushpad le style de son vin : c’est-à-dire la proportion de Merlot, de Cabernet Sauvignon et Cabernet Franc à l’intérieur. « Tout l’intérêt des vins de Bordeaux repose justement sur ce mélange des cépages », précise Stephen Bolger. Ensuite, il faut sélectionner ses raisins, établir le programme (culture, assemblage, fermentation, élevage), suivre son vignoble à distance quand on est rentré chez soi (grâce à un bulletin quotidien en ligne, d’infos météo, d’interviews de viticulteurs, etc.), trier, fouler, pressurer les raisins quand ils arrivent au chai (c’est-à-dire revenir sur place pour 1es vendanges), etc.

L’anglais sans chichi
« C’est comme avoir un nouueau bébé », raconte très ému, Rudo Autner qui est venu depuis la Slovaquie pour faire le vigneron du dimanche. Depuis sa création en 2007, Crushpad Bordeaux connait une croissance de 50% par an, prévoit de développer son offre d’oenotourisme à toute la région et d’ouvrir de nouvelles flliales en Suisse et en Espagne. Snobisme ou fierté nationale ? Un seul cépage manque pourtant à ces vendanges chic, où tout le monde est très beau, boit dans des verres de compétition et parle anglais sans chichi : la clientèle française, extrêmement minoritaire. Surtout chez les Bordelais.

*Le critique de vin qui a fait assurer son nez pour un million de dollars.
www.crushpadwine.fr

Chloé Clor (avec Victor Eugène)