Photo Copyright Estate of Guy Bourdin, used by permission of Art+Commerce

Le goût des autres

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Fotie Photenhauer, un mystérieux cuistot du dimanche, est l’auteur d’un livre de recettes sur le «cum-cooking». Autrement dit, de plats à base de sauces corporelles… Canular culinaire ou poisson d’avril? Retour sur une nouvelle cuisine naturelle à ne pas servir à n’importe qui.

« Comme le persillé des Aravis (un fromage de Haute-Savoie) ou le Château Cambon La Pelouse (Haut-Médoc), la cuisine séminale est complexe et dynamique. Elle contient une dose subtile de fructose, de protéines et d’enzymes, coûte peu cher à préparer et se déguste à la demande dans toutes les bonnes maisons et restaurants. » La cuisine séminale ? Une gastronomie inventée par le cuisinier américain Fotie Photenhauer, dont tout l’art reposerait sur un assaisonnement des huîtres, des escalopes, des salades, des sorbets ou des profiteroles, à base de… semence humaine.

Tiramisu surprise
« Non seulement le sperme est nourrissant, mais il possède des propriétés gustatives incroyables », affirme cet étonnant charlatan des fourneaux, dont personne ne sait si le livre Natural Harvest, A Collection of Semen-Based Recipes, uniquement diffusé sur Internet (Lulu.com), est un canular culinaire, un poisson d’avril pornographique ou la mise en images d’une des plus grandes légendes urbaines de la restauration. « L’histoire de la gastronomie est remplie de rumeurs de cuisiniers un peu douteuses, qui se soulageraient dans les plats en sauce, afin de se venger d’un affront de leur direction. Mon livre de recettes ne fait qu’en proposer une version plus conviviale et créative pour des amants libres et consentants. » Des cocktails de jouissance (« Almost White Russian ») aux desserts sauce blanche (« Tiramisu Surprise »,
« Chocolate Cream Eclair », etc), Fotie Photenhauer s’est ainsi taillé en quelques mois une réputation d’imposteur mondial, qui laisse un peu fumasses tous les gourous de la cuisine moléculaire. « J’ai eu l’idée de ce livre de recettes au cours d’un dîner où les hommes parlaient de leurs fantasmes. Je me suis dit que, s’ils attendaient de leurs partenaires qu’ils ou elles avalent leur sperme, ils pouvaient apprécier à leur tour d’en déguster une partie sous forme de velouté gourmand. »

Tupperware
Comment prépare-t-on, par exemple, une recette d’aioli aux bigorneaux et légumes pochés, façon sauce au rut ? « L’important est d’avoir toujours une réserve de semence au frais et de la reconstituer chaque matin dans un récipient Tupperware, prévient Fotie Photenhauer. La consommation d’ananas et de papaye, ajoutée à une bonne hygiène de vie, en améliore grandement le goût ». Et après ? Après, rien. « le cum-cooking est un concept intéressant », note Tim Hancock, journaliste de The Wow Report, magazine en ligne très en pointe sur la culture freak. Le problème, c’est que le livre ne donne pas d’autres suggestions que l’ajout de quelques gouttes de sperme sur des plats très classiques. Envie d’un « Strawberry
Splasharita » ? Achetez des fraises, un pot de crème fraîche et rajoutez quelques gouttes de récolte naturelle. .. Fotie Photenhauer n’est pas un cuisinier, c’est juste un type obsédé par sa propre semence. Un cas isolé ? Vers 300 ans après Jésus-Christ, les hérétiques gnostiques, des chrétiens d’Orient en rupture de ban, avalaient déjà le « sperme sacré » (la forme-semence, ndlr), imités en cela par toute une ribambelle de fanatiques de la jute en gelée. Plus récemment, l’écrivain-mage Aleister Crowley, l’idole de Bowie et Jimmy Page, et dont les Beatles ont reproduit la tronche sur la pochette de l’album Sgt. Pepper, nourrissait un sérieux penchant pour les drogues dures et la semence à l’apéritif.

Thanksgiving
« Quasiment indétectable au goût, parce que saturée par les autres ingrédients ; la cuisine au sperme est surtout un témoignage amoureux, estime Fotie Photenhauer, qui promet une version plus familiale de son livre pour les fêtes de Noël et Thanksgiving. Ie cum-cooking n’a rien à voir auec l’industrie du sexe, c’est une gastronomie réservée à ceux qu’on aime et dont on connaît Le goût par coeur. Un peu comme si on les avait mangés au précédent dîner ; ce n’est vraiment pas le genre de cuisine à préparer avec des inconnus ». Dans la première semaine de sa mise en ligne, le livre Natural Harvest aurait-il été consulté par un quart de million de personnes. Combien l’ont vraiment acheté ? On n’en sait foutre rien.

Tristan Ranx (avec Victor Eugène)