Soupe aux boulettes de Matzo et curry de poisson… Cinq ans après sa disparition, Grand Seigneur vous raconte pourquoi la chanteuse de « Rehab » était un vrai cordon bleu et comment son amour de la cuisine aurait pu la sauver (ou presque).
C’est probablement l’une des scènes les plus incroyables de la trop courte carrière d’Amy Winehouse. Printemps 2009, la chanteuse de « Back to black » se prépare à rentrer à Londres après trois mois d’un séjour réparateur sur Sainte-Lucie, une Ile des Antilles anglaises entre la Barbade et la Martinique. Remplumée par la cuisine locale, presque potelée des hanches et du ventre, elle refuse de rejoindre l’aéroport local de Hewanorra tant que son entourage – c’est à dire principalement des gardes du corps, ses parents et une horde de suckers – ne lui a pas trouvé un chef local pour lui faire la cuisine à Londres… Caprice de star ? Depuis qu’Allen Chastenet, le Ministre du Tourisme de Sainte-Lucie, lui a fait porter un panier de produits locaux à son Hôtel, Amy Winehouse a goûté aux bananes plantain frites, à la bière Piton (brassée sur place) et au Pepperpot : un ragoût de bœuf et de porc accompagné d’un mélange de manioc, cannelle et cassonade… Et elle a adoré ça ! Les gâteaux aux crabes et le poisson volant fumé du restaurant The Pier du Sandals Halcyon Beach Resort l’ont également transfiguré. Malgré une mauvaise permanente (à base de bouclettes, comme Micheline Dax) et une consommation de rhum intensive, elle a repris un visage presque humain. La diva toxico qui pouvait ne s’alimenter que de bombons Haribo et de barres chocolatées Crunchie (Cadbury) pendant des jours est devenu accroc au poulet rôti sauce cajun et au Rice and pas : un bol de riz et de haricots rouges à la noix de coco qu’elle déguste chez Marjorie Lambert, la patronne de la paillotte de la plage de « Cas en bas », près de l’Hôtel Cotton Bay. Et quand Amy passe à table, elle ne vient jamais seule…
« Elle amenait des gens presque tous les jours. Parfois jusqu’à vingt personnes. Et elle leur payait à tous à déjeuner », se souvient Marjorie Lambert. « Sa famille et ses amis venaient toujours avec elle. Elle achetait de la nourriture à tous les enfants qu’elle croisait. Elle donnait même à manger aux chiens errants sur la plage… » Anorexique, alcoolique et junkie, la chanteuse de « Rehab » cachait également une incroyable personnalité de mama juive à la Marthe Villalonga version boulettes de viandes. Un tempérament qui l’aurait amené à toujours chercher l’affection des autres. Soit en les gavant de nourriture, soit en jouant les petites filles qui s’appliquent à finir leur assiette. « Quand je lui disais de ne pas boire de rhum avant le déjeuner, elle m’écoutait », raconte Marjorie Lambert. Elle me disait : « Mumma, regarde comme je mange toute ta bonne nourriture. Et parfois même, elle en redemandait.» Dionne Bromfield, la jeune chanteuse soul que produisait Amy Winehouse, avait confié à l’agence de presse Bang Showbizz : « Tout ce qu’elle aimait, c’était faire à manger pour les autres et leur préparer des spaghettis boulettes. Elle était très maternelle, vous demandait en permanence si vous aviez faim. Vous pouviez prendre dix kilos rien qu’en allant chez elle… » Gastronome les jours de cure, la « crooneuse » à choucroute se serait même révélé être un cordon bleu acceptable. « Elle cuisine très bien le saumon et fait une soupe au poulet délicieuse », précisait Dionne Bromfield (qui est également la filleule de la chanteuse décédée). A son retour de Sainte Lucie il y a deux ans, Amy Winehouse emménage sur les conseils de ses parents dans une grande propriété de style régence à Barnet au nord de Londres. Une banlieue « middle-class » qui l’éloigne des démons de l’héroïne et du pub The Hawley Arms de Camden Town. Et où le sport local n’est autre que le barbecue de voisinage, une discipline dans laquelle elle excelle. Un soir de grande grillade, elle va même jusqu’à négocier un concert privé avec son voisin contre un peu d’aide à la cuisson.« C’était une soirée où elle avait achetait des tonnes de steaks » se souvient l’un des invités, interrogé par le tabloïd The Sun. « Comme on manquait de grills, elle craignait que la viande ne soit mal cuite ou qu’elle flambe. »
Quand elle ne prépare pas de la soupe aux boulettes de Matzo (un plat juif typique avec des boulettes de pain) pour la petite armée d’amis ou parasites qui l’entoure, la chanteuse de « Love is a Losing Game » fait dans le banquet livré à domicile. « En studio, elle inondait même ses musiciens de cuisine antillaise portée par coursier, se souvient l’un de ses proches dans les pages de The Sun. « Ca pouvait vite devenir le souk. Mais c’est de là qu’Amy tenait sa « soul » : de la bonne cuisine traditionnelle qui ait une âme… » Parmi les restaurants antillais de Londres, deux deviennent de vraies cantines pour Amy Winehouse qui s’accroche toujours au souvenir de Sainte-Lucie pour oublier les sirènes de l’héro : le Café Mr Jerk de Soho (où la chanteuse devait prendre un ticket comme tout le monde et manger avec des couverts en plastique) et le Cottons, un « Rhum-Snack » de Chalk Farm Road à Camdem Town. « Amy n’avais pas spécialement de plat préféré chez nous », se souvient son directeur Pepjin Vandan Abeele. « Elle aimait toute la cuisine antillaise. Par exemple, elle appréciait beaucoup le Jerked Spatchcock Baby Chicken : un poulet cuit lentement avec des piments, des épices, et servi avec du chou, de la sauce jerk, du riz et des petits pois. Mais elle adorait aussi le Curry de poissons de Trinidad : une préparation à base de vivaneau, de saumons et de moules, cuite dans du lait de coco. » Une rumeur – aussitôt relayée sur le site web du restaurant – laissera même croire qu’Amy Winehouse allait bientôt enregistrer une chanson en hommage à la cuisine antillaise et plus spécialement au Cotton’s. « C’est vrai qu’elle en avait parlé », confirme Pepjin Vandan Abeele. « Mais c’était plus amical qu’autre chose. Ce n’est pas comme si elle allait en faire un tube du jour au lendemain. »
En Août 2008, le très sérieux quotidien The Guardian avait pourtant déjà révélé que sur le troisième album de la chanteuse, un titre entier serait consacré aux boulettes de viandes – véridique ! -, la passion d’enfance d’Amy. « I can cook, chicken soup, meatballs, a good chicken – jerk and fried » (« Je peux cuisiner, de la soupe de poulet, des boulettes de viande, un bon poulet – bien secoué et frit », en français) en serait même le refrain, sinon des paroles principales. Mauvaise pioche. Dans la nuit du 22 au 23 Juillet 2011, après avoir avalé une piscine de Jack Daniels (on parle de plusieurs bouteilles de whisky par jour) et bu quelques bières au « Good Mixer », un bar de Camden Town proche de son domicile, Amy Winehouse aurait acheté pour 1200 livres de crack et d’héroïne (deux doses de 14 grammes chacune) à un dealer de West Hampstead, pour ce qui ressemblait de plus en plus à un suicide après une hypothétiquement longue période de sevrage. C’était la plus mauvaise recette de sa vie. Elle en est morte vers 16h le lendemain. Mais le pire, c’est qu’après le fiasco de sa dernière tournée (après un « live » particulièrement défoncé en Serbie) – précisément dix jours avant sa mort, Amy Winehouse avait exhibé ses nouvelles formes et ses traits fatigués à la Siouxsie aux paparazzi de Camden Town : elle avait encore grossi. Sûrement les boulettes.
Texte : Elsa Launay (avec Olivier Malnuit). Photo : Phil Knott.
Les photos de cet article sur Amy Winehouse sont des images inédites de Phil Knott exposées et vendues à la Zebra One Gallery, 1 Perrin’s Court, Hampstead, London, NW3 1QX, au profit de la Amy Winehouse Foundation qui lutte contre la dépendance à l’alcool et aux drogues.
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