Le robot Pacojet permet de faire des glaces avec du jambon, du reblochon. Et tout ce qui traîne en cuisine… 0n aime ou on déteste mais les restos ne peuvent plus s’en passer.
Le Pacojet est à la glace des années 2ooo ce que la cocotte minute fut à la cuisson des 5o’s: une mini révolution I Débarquée dans l’hexagone il ya une quinzaine d’années, la«turbine-sorbetière-émulsionneuse» helvétique marque une nouvelle ère glaciaire dans la cuisine contemporaine. En gastronomie, il y a eu l’avant et l’après Paco. «Ça a été une véritable révolution», affirme le cuisinier Marc Veyrat (Annecy), un des pionniers du Pacojet qui «prend soin de ses quatre engins comme d’un couteau d’apprentissage».
Cette Rolls des machines à glaces règle, telle une montre suisse, son compte à la crème glacée. Jetez-y des carcasses de langoustines, des bouquets de persil ou un ananas entier, noyez d’eau, congelez et il vous sortira une glace à la texture ultra fine, d’une température de dégustation idéale et à la couleur parfaite. Un effet qu’aucune turbine n’arrive à obtenir. C’est que cette «machine aromatique» comme l’a baptisée Veyrat, fait tourner à grande vitesse une lame dans la matière pour émulsionner d’une part, ce qui apporte une incroyable légèreté et broyer d’autre part- paillettes, os ou fibres. Rien ne lui résiste.
Poubelle de cuislne
«Le Paco est la poubelle de la cuisine», disent du coup ses détracteurs, ceux qui ont un peu les boules de mettre autour de 4000€ dans un appareil à remplir les cornets. Pas faux. Les «pacojeteurs» iraient volontiers fouiller les poubelles de Robuchon pour faire des peaux de petits pois savamment ôtées à l’Atelier, de magnifiques glaces vert-fluo au subtil goût de primeur. «L’onctuosité dissimule la qualité», explique I’ultra technicien Thierry Marx (Mandarin Oriental, Paris), «comme on refoisonne des cristaux, on dilue le goût. Mais ça donne une texture de glace à l’italienne comme les gens aiment. Aujourd’hui c’est devenu la parade dans les restaurants de faire des glaces !»
De fait depuis quelques années qu’il se démocratise réellement, le Paco rend lajet-chef complètement givrée. Les gastros «pacossent» tant et plus le salé en sucré, le légume en dessert, le condiment en sorbet.
Paco de secours
Les sucettes de foie gras, des glaces à l’asperge (Christophe Dufau Les Bacchanales, Vence), un jambon cornichon en sorbet (Lionel Lévy, Une table au sud, Marseille), du chocolat blanc wasabi (Wiliam Ledeuil, Kitchen Galerie, Paris), la glace à la berce (Marc Veyrat ) ou des sorbets en poudre (Thierry Marx) dégèlent sacrément les cartes. « On fait plein de conneries», au reblochon ou à la carotte se réjouit Emmanuel Renaud le deux étoilés du Flocon de sel (Megève). Mais on fait surtout des glaces instantanées. Au moindre client affamés les cuisines vous moulent une quenelle Fjord confiture de fraise.
Enorme succès, I’équipement en Paco (déjà 8000 en France) reste relatif au nombre d’étoiles. Les grands en ont trois ou quatre dont un, comme chez Emmanuel Renaud «toujours sur une étagère au cas où les autres tombent en panne». Et les plus modestes, un seul, racheté 2500€ d’occase. Accro du Paco depuis son passage chez Apicius (Paris), Grégory, chef à domicile, débarque même chez ses clients avec sa machine. lmportateur français exclusif, la société Pacoclean réalise avec ses 6200 clients un chiffre d’affaire de 2,6 M€.
Leasing de bagnole
«Pas de concurrent direct» pour ce hors norme se réjouit Yannick Lecle responsable communication, mais pas d’appareil grand public non plus, en raison d’une technicité incompressible qui explique le coût élevé.»
Un service de vente directe type Tupperware un service après-vente à la Nespresso, garantit révisions annuelles et remplacement illico… «Ça ne vieillit jamais un Paco: c’est comme un leasing de bagnole», se ravit William Ledeuil, «Pacman» de la première génération. A la différence que cette carrossée là tient la route verglacée depuis un quart de siècle.
Cécile Cau