HENRI SALVADOR, LE RHUM QUI REND ROUX ET LES POLARS A LA FRANCAISE… EN PLEINE REPETITION POUR BERCY, JOEY STARR S’EST LIVRE A GRAND SEIGNEUR LE TEMPS D’UN DEJEUNER AVEC SON COIFFEUR, UN SERPENT ET UNE VIEILLE CONNAISSANCE. AMBIANCE !
Ça ressemble à quoi un rappeur de bientôt 51 ans ? Ce jour-là, en terrasse du Mori Venice Bar, la trattoria vénitienne de la place de la Bourse (Paris 2e), Joey Starr, alias « le Jaguarr », alias Didier Morville, père de deux jeunes fils (Mathis et Khalil) en pleine reformation du groupe (NTM) qui l’a fait connaître au début des 90’s, se fait couper les cheveux par son barbier préféré, le toujours sémillant Sandy Alain Chumillas Jimenez (La Shaperie). Un verre de Plantation (Maison Ferrand) aux lèvres, l’un des meilleurs assemblages de rhums de la Barbade et Grenade, le chanteur se remet d’une longue semaine de répétitions en dévorant un plat de Tagliatelle aux girolles, et sourit aux passants qui lui demandent si c’est « le nouveau salon de coiffure du quartier ». Quelques mois plus tôt, il était encore sur les planches du théâtre de l’Atelier (Paris 18e) à déclamer du Toqueville et du Simone Veil, et devait lancer sa propre marque de rhum sous le nom de « Caribbean Dandee », en hommage au dernier quart d’heure éthylique de ses concerts. Las, le projet a capoté…
Mais ça n’a pas empêché cette légende vivante du rap français de répondre aux questions de notre ami Laurence Rémila, le rédacteur-en-chef du magazine Technikart, au cours d’un déjeuner – comme à leur habitude – particulièrement musclé et arrosé… Il faut dire que les deux garçons se connaissent bien, leur précédente entrevue au « jus de soleil » pour la couverture de Technikart avait duré sept heures ! Et ce n’est pas forcer sur la bouteille de rhum (en fait, il y en avait trois) que de vous confirmer ici l’effroyable vérité : leurs nouveaux échanges à table pour Grand Seigneur (2h30 seulement) tiennent plus du document pour l’histoire ou de la causerie masculine en mode Tontons flingueurs, que de l’interview journalistique traditionnelle. Tutoiement de rigueur, répliques à la Audiard, intimidations viriles… Tout y passe : Macron, l’alcool, la transe, la scène, le cinéma, Kool Shen et Mimie Mathy ! À quelques minutes d’une séance photo épique (où le photographe a tenté de le faire poser en chaman vaudou, ndlr), voici ce que nous avons pu sauver de leurs conversations… O.M.
_ Bon, on a ramené quelques bouteilles pour l’interview…
_ J.S. : Ah, vous me régalez ! Moi j’ai ça pour vous, les gars. (Il sort une fiole de rhum.) Vous partagez tous les deux, hein.
_ D’accord, je verse tout ça dans un grand verre ?
_ J.S. : Arrête de faire ta sucrée ! Eh, tu lui en laisses un peu à ton copain, ou il a couché avec les boches ?
_ Il est trop jeune pour picoler ! Alors, c’est ta marque de rhum, ça ?
_ J.S. : Non, non, c’est un truc que je chope chez un gars qui fait goûter plein d’échantillons.
_ Ah, parce qu’on nous a dit que tu lançais ton rhum…
_ J.S. : Ouais mais je sais pas trop, en fait.
_ Comment ça ?
_ J.S. : Bah je viens de te dire, je sais pas. Pour l’instant, j’ai juste goûté des trucs ou expliqué deux, trois choses, mais ça fait deux mois que j’ai plus de nouvelles de personne. Je trouve ça intéressant comme aventure, mais ça grince, pour le moment.
_ Le rhum, c’est une sorte de parent pauvre des spiritueux ?
_ J.S. : Moi, je peux pas voir les choses comme ça. Ça fait partie de ma culture, je suis Antillais et la canne, pour nous, c’est sacré quoi ! Par contre, l’alcool fabriqué avec des patates… Là oui, tu peux parler de parent pauvre. La canne, c’est vachement plus noble, vois-tu ? Quand je suis avec mon petit frère, on boit du Overproof, un rhum des Caraïbes qui monte à 75,9 degrés… On dit qu’avant, si t’en versais sur de la poudre à canon et qu’il ne se passait rien, il était « proof », et que si ça explosait, il était « overproof ». Si tu bois ça, toi, tu deviens roux.
_ D’accord. Alors je vais le reformuler.
_ J.S. : Non mais je t’ai très bien répondu !
_ Mais alors, est-ce que c’est un alcool parfois méprisé ou méconnu en France ?
_ J.S. : Méconnu, je pense.
_ Et parmi les autres alcools ?
_ J.S. : J’aime le vin, mais bon, je suis moins fana. En fait ce que j’adore, c’est quand l’ivresse me tombe sur la gueule. Mais j’aime l’ivresse digne, l’ivresse rigolarde. La bonne humeur, c’est ça qui m’intéresse en fait… Il peut m’arriver aussi de tomber sur des casse-couilles en interview, je bois deux, trois gorgées pour que la pilule passe un peu mieux. À un moment donné, il a quand même fallu que je me calme, je buvais deux litres en quatre heures à moi tout seul. Elle va être marrante à lire je sens, l’interview !
_ Ils t’ont servi du rhum à l’Élysée, lorsqu’ils t’ont invité à manger ?
_ J.S. : Ouais mais du rhum d’épicier, mec ! Un truc avec lequel tu ferais même pas des crêpes. Au départ, ils étaient là : «Ahhh on n’a pas de rhum! » Et puis, ils ont pas voulu se péter les couilles à chercher, ils m’ont filé leur rhum de cuisine en fait.
_ J’imaginais qu’ils avaient des caves incroyables…
_ J.S. : Ben moi aussi, figure-toi.
_ Et sur scène, pendant les concerts, ça circule, les bouteilles ?
_ J.S. : Oui, et on fait boire le public aussi… Parce que nous sommes français, nous, Monsieur : roulez bien, roulez plein ! Attention, on parle de musique, hein. Va pas me faire des ennemis pour rien. En fait, pendant les trois quarts du concert, on marche à l’eau claire parce qu’il faut pouvoir articuler. Puis arrive le dernier quart d’heure. Durant le show « Caribbean Dandee », que je jouais avec Nathy, on appelait ça le quart d’heure éthylique. On a des codes avec le roadie qui est sur le côté : quand je me tourne vers lui et que je lui fais un signe, il comprend tout de suite. Et il vient avec la bouteille. Parce qu’on se cache pas, ce serait ridicule. Déjà, quand on est en répét’ chez moi, on fait toujours ça… Mais bon, on n’est pas des alcooliques ! On est des adorateurs de la canne. Du soleil et de la canne.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Entretien : Laurence Remila (avec Tristan Tottet).
Photos : Charlélie Marangé.
Lire l’intégralité de l’entretien avec Joey Starr dans le nouveau Grand Seigneur, actuellement en kiosques. Merci à Céline Mori du Mori Venice Bar, 2 rue du Quatre-Septembre, Paris 2e. Tel : 01 44 55 51 55.