Voici le frenchy que tous les étrangers s’arrachent : Olivier Magny, le sommelier qui vient d’ouvrir le plus grand bar à vins de Paris et publie « Dessine-moi un parisien » (10/18). Portrait d’un fada du vin pas comme les autres, à qui l’on doit le premier apéro en avion.
« Toc, toc ! » C’était il y a quelques mois, pendant les travaux de son bar à vins de la rue Jean-Jacques Rousseau (Paris 1er). Perceuses, soudeuses, machines de chantier dégageant une chaleur infernale… Pas vraiment le genre d’ambiance cosy qu’on s’attend à trouver chez la nouvelle star du vin, salué par toute la presse internationale (Time Magazine, Daily Mail, El Pais, etc), et que les français commencent à découvrir depuis le succès surprise de son livre satyrique sur les bobos à Paris (Dessine moi un Parisien, 10/18).
Titi Parisien
A trente ans à peine, cet ancien sommelier, diplômé de l’Essec et du Wine and Spirit Education Trust de Londres, a déjà enseigné l’amour du vin à près de 40 000 personnes (dont 80% d’anglais et d’américains), organisé une croisière au Champagne sur la Seine, monté une dégustation de vins en haute altitude à bord d’un vol entre Paris et Barcelone, tourné les pilotes d’une future émission sur le vin pour Cuisine TV, parcouru de fond en comble la Napa Valley, discuté cépage et bu un coup avec tout ce que la Bourgogne, l’Alsace, les Pays de Loire ou le Bordelais comptent de vignerons… « J’adore échanger avec eux, c’est des vrais mecs, des bonhommes, des machins quoi, explique Olivier Magny. C’est pas comme les sommeliers et les cavistes qui donnent envie de se tirer un balle, tellement ils ont le melon …» Un parcours étonnant pour ce fils de médecins qui parle le titi parisien dans le texte, dormait encore il y a encore peu dans son bureau et s’est fait un nom dans le monde entier en donnant des cours d’œnologie, comme si c’était une université de la déconne pour Paris Hilton et ses copines un peu pompettes…
Charly et la Chocolaterie
« L’idée, c’était de faire un truc un peu original pour parler de terroirs et de cépages à des gens qui n’y connaissent rien. Parce que dans le monde du vin, tout le monde prétend être différent et convivial, mais quand on les écoute on n’a pas vraiment envie de se marrer. » En Novembre 2009, quand il débouche quelques très bonnes bouteilles pour la presse, à bord du vol Vueling entre la France et l’Espagne, il n’a que 45 minutes de stabilité à bord pour faire découvrir ses grands crus aux passagers. « Ca nous avait pris six mois à organiser, rien qu’avec les douanes, les services anti-terroristes et les 50 milliards d’autorisations nécessaires… Mais à cette altitude, trois quarts d’heure de dégustation ça suffit : les effets de l’alcool sont multipliés pas trois ! Du coup, on boit vraiment avec modération. » Un an plus tard, lorsqu’il prépare l’ouverture de son « Ô Château Paris Tasting Wine Bar » (du nom de sa société Ô Château, ndlr), Olivier Magny plane encore plus fort. « Ce sera le plus grand bar à vins de Paris, 260 mètres carrés dédiés à la dégustation, avec des caves du 17è siècle où Louis XV faisait entreposer les vins de la cour… Je veux que ce bar devienne une confiserie pour adultes, que les gens se disent : Eh ! Mais c’est Charly et la Chocolaterie ici ou quoi… !? »
Tout le monde assis
Vins d’exception, sommeliers d’exception (« c’est-à-dire pas des geeks du vin »), ambiance Sex and the city… Mais avec des filles beaucoup moins compliquées. Les américains affluent comme si c’était le Thanksgiving des grands crus. A 80 euros les deux heures de dégustation, les français se font plus rares, mais Olivier Magny s’en moque un peu. « Les français, même ceux qui aiment bien le vin, leur kiff c’est les petits trucs : le petit producteur dans le petit verre dans le petit bar. Mais moi, les semi-machins servis dans des verres dégueu avec de la charcuterie pourrie, ça ne m’intéresse pas. J’ai envie que les gens se fassent plaisir. » Et du coup, Magny voie encore plus grand. Ses caves sont en train de s’imposer comme le lieu de toutes les réceptions privées. Les marques regardent même de plus en plus près ce concept de soirées sans Dj, sans dance-floor, sans défonce. Et où tout le monde est assis… « On ne s’interdit rien, si les gens veulent danser, ils dansent ! Mais notre cœur de métier, c’est de faire goûter les meilleurs vins du monde et de raconter pourquoi. »
Le vin à l’école
Au petit jeu du « french hedonist », Olivier Magny est d’ailleurs devenu un virtuose. Une sorte de Belmondo cru 2011 qui saurait séduire l’assistance avec une carte de France des vins et un cours sur la géologie de la vigne. Le « Wine Man show », animé par ses soins, est même l’une des attractions préférées de la clientèle. Anglais impeccable mais humour à la française, Magny a fait ses classes d’animateur sur sa propre Web TV, inspirée par le succès du sommelier Gary Vaynerchuk, un sommelier russo-new-yorkais qui s’est imposé aux Etats-Unis comme un concurrent potentiel de Jay Leno sur le vin (lire page 74/75). Mais derrière le show man avec ses fossettes et sa carrure de rugbyman, se cache un autre discours, beaucoup plus politique. « Ce que j’explique dans mes cours, il faudrait l’enseigner à l’école. Ce n’est juste plus possible d’avoir une culture du vin admirée dans le monde entier et d’être les seuls à s’asseoir dessus. Pas un français n’est capable, par exemple, de citer un vigneron, alors que beaucoup sont des stars à l’étranger. »
Lire une étiquette
« On entretient une confusion malsaine sur notre propre art de vivre, faute d’éducation. Beaucoup de gens font ainsi des dégustations en disant : oh là la, ça sent la fraise, ça sent la mure… Mais on s’en tape ! Ce n’est pas ça qui est important, c’est de comprendre ce que veut dire une appellation, le mot terroir, comment lire une étiquette, pourquoi deux vins du même endroit peuvent être totalement différents, pourquoi ce qui compte c’est les cépages, la qualité du raisin, la région, la colline… Sur certaines appellations, on a des différences de prix qui vont de un à cent. Pourquoi les gens les achètent les yeux fermés, sans chercher à comprendre ? » Parce qu’ils veulent juste picoler ? « Tant que le politique refusera de concevoir que le vin, ce n’est pas de la vodka, que s’asseoir a une table pour bien boire et bien manger, ca n’a rien à voir avec la défonce en boite, on ne s’en sortira pas. Nous sommes les gogos de notre héritage. Et les américains qui viennent à mes cours, l’ont bien compris ».
Plus d’infos sur : http://www.o-chateau.com/
Olivier Malnuit (avec Chloé Clor)