Vin ordinaire ou Chevalier-Montrachet de la Côte de Beaune ? Lloyd Cole, l’ex-chanteur culte des Commotions, cache une vraie passion pour le vin et la Bourgogne. Mais ça ne l’empêche pas de se surveiller comme une jeune fille…
Lloyd Colg il y a quelques années, vous chantiez une chanson étrange sur I’album «The Negatives» : « Vin ordinaire »…
« She’s in love with him / I’m in love with her / Here we go again / More vin ordinaire… » Oui, c’est une chanson qui parle d’un amour un peu tiède et le compare à un vin ordinaire. Ça raconte que le sexe ans amour n’a rien de spécial, il est dispensable et triste comme un vin ordinaire. Le personnage féminin attend quelque chose de plus fort que I’histoire qu’elle est en train de vivre. Mais elle reste malgré tout, elle fait semblant. D’où le parallèle : boire du vin ordinaire, alors qu’on aimerait boire un grand vin.
Quel sont les vins qui vous font rêver ?
Le Chevalier-Monfrachet, c’est un grand cru de la Côte de Beaune. J’en ai dégusté un, lors d’une tournée en France où je m’étais arrêté en Bourgogne. C’est le meilleur vin qu’on m’a jamais servi. Rien à voir avec le vin ordinaire. ..
Aujourd’hui, vous vivez à New York. Quels liens entretiennent les New-Yorkais avec le vin ?
Il n’y a qu’en France où les gens ont une relation aussi naturelle avec le vin. A New York, c’est totalement différent. Ils en boivent au restaurant, mais certains ne peuvent tout bonnement pas s’offrir une bouteille correcte et boivent n’importe quoi parce qu’ils ont un rapport snob au vin. Ceux qui aiment vraiment le vin, considèrent que c’est une part importante du repas et sont prêts à des sacrifices pour l’accompagner d’un bon vin.
Buvez-vous du vin pour l’apéro ?
Non, jamais en dehors des repas. Lorsque je ne mange pas, je préfère le champagne ou le kir. Je suis très « girly » pour l’apéro. Sinon, ce que je préfère vraiment en dehors des repas, c’est la bière et le whisky.
Vous êtes plutôt vins de Bourgogne ou vins de Bordeaux ?
Lorsque j’étais plus jeune, je préferais nettement les Bourgogne et, plus je vieillis, plus les Bordeaux me parlent. . . En fait, plus je prends de l’âge, plus j’aime la bonne chère. Si je n’étais pas un chanteur pop, je serais probablement énorme. J’aime tellement manger !
Alors, vous êtes certainement très heureux d’être en France…
Oui, mais vous savez, maintenant, on fait de la très bonne cuisine partout dans le monde. Il y a vingt-cinq ans, lorsqu’on partait en tournée et qu’on s’arrêtait dans certains pays comme l’Allemagne ou 1’Angleterre, la cuisine était une vraie punition. Mais ce temps-là est révolu, ces pays ont décidé d’être fiers de leur cuisine et de faire un réel effort.
Dans vos chansons, vous associez souvent la fin d’un amour au fait de boire du vin…
Oui, je considère que lorsqu’on boit du vin sans manger, cela vous plonge dans une mélancolie qui rappelle les variations d’une histoire d’amour. Mais c’est loin d’être désagréable, au contraire.
Pensez-vous comme Charles Baudelaire que la meilleure façon de vivre est de s’enivrer sans trêve, de vin ou de poésie ?
J’adore l’idée mais j’avoue que pour moi, c’est juste une image très poétique… Lorsqu’on écrit des chansons, ce n’est pas très facile en étant ivre toute la journée. La meilleure façon de vivre sa vie, c’est surtout de la vivre à fond. Cette vision tient debout si on dédie son existence à la poésie et qu’on n’a pas d’enfants, ni d’obligations. La vraie vie ne ressemble pas à ça, En tous cas, pas Ia mienne.
Avec les années, votre rapport à l’alcool a-t-il changé ?
Oh, oui, certainement. Lorsque j’étais jeune, je buvais beaucoup. Beaucoup trop ! Aujourd’hui, je suis obligé de me contrôler. Si je vais dans un bar, je suis forcé de me dire que je ne dépasserais pas deux whiskies. Si j’en prends trois, ça va mal…
L’ivresse est-elle un naufrage ?
J’adore la sensation de l’ivresse, mais je déteste plus encore l’idée de perdre le contrôle. Quand j’ai trop bu,je crois être très beau et irrésistible aux yeux des femmes. Vous voyez 1e genre ?
«Broken record», Lloyd Cole, Xlll Bis records.
Entretien_Barbara lsrael