L’UNITE SPECIALE DU MIEL ET DES TARTINES : « NOUS VOULONS RE-POLLINISER LA FRANCE !  »

A quelques kilomètres d’Orléans, l’Unité Spéciale du Miel et des Tartines, un commando secret d’apiculteurs habillés en faux flics New-Yorkais, à décidé de sauver les abeilles. Leurs armes ? Des fleurs partout, des ruches à gogo et des abeilles nettoyeuses… Grand Seigneur est allé partager quelques tartines avec eux !

La Ferté Saint-Aubin (Loiret), ses chasses en Sologne, sa rivière (Le Cosson) ses douves, son château du 16e siècle, ses andouilles de Jargeau et son Unité Spéciale du Miel et des Tartines ! L’Unité quoi  ? L’Unité Spéciale du Miel et des Tartines… Un commando secret d’apiculteurs en costumes de flics et d’avocats New-Yorkais – comme dans la série de Dick Wolf sur TF1 – et avec un drôle de masque sur la tête (comme Daft Punk !) qui écume toute la France à bord d’un énorme Dodge de 395 chevaux. On a d’abord cru à une blague, à une troupe de comédiens Moldaves, à un orchestre de bal pour les vacances… Mais voilà que, vérifications faites, les mystérieux officiers masqués du miel et du petit-déjeuner sont tous apiculteurs et que leur combat pour les abeilles mériterait bien l’ouverture des journaux télévisés. En tous cas, c’est ce que prétend leur attachée de presse qui, d’emblée, nous prévient au téléphone : « Ils veulent re-polliniser le pays, c’est énorme ! S’ils y parviennent, c’est tout l’avenir de l’alimentation qui s’en trouvera changé, la cuisine ne sera plus jamais comme avant. » Diantre ! On n’avait pas connu de scoop aussi fumant depuis l’invention de la cuisine abstraite par Hervé This dans les 90’s et ses expériences sur la « dé-cuisson » des œufs. Bon, c’est toujours un peu compliqué pour un journaliste Parisien de dépasser la Porte d’Orléans en ce moment. Mais imaginez qu’on loupe le nouveau Ratpack Orléanais du sucré-salé ? On s’en voudrait jusqu’à la fin de l’année…

Réunion au sommet pour L’Unité Spéciale du Miel et des Tartines dans l’une des futures maisons de l’Ecole de « Miélologie »…

 « On a une carte ADN très précise de nos miels, on a tout vérifié… » 

Nonettes et Pain d’épices

Rendez-vous est donc pris au petit matin dans les cuisines du Maréchal Ulrich Frédéric Woldemar de Lowendal, l’ancien proprio du château le plus visité du Centre Val de Loire. En guise de majordome, un sanglier empaillé et suspendu par les pieds nous salue dans ce qui aurait pu être le garde-manger personnel d’Antonin Carême (le chef de Talleyrand) avant l’invention des visites scolaires. « Ici, c’est nous qui fournissons le miel pour les enfants », lâche l’un des compagnons masqués de l’Unité Spéciale du Miel et des Tartines. Miel d’oranger, de citronnier, de romarin, d’acacia… Cinq Nonettes et un pain d’épices à l’orange plus tard, le verdict est unanime : leur miel est excellent. Des saveurs de vergers dignes d’un grand Muscadet (Château du Cléray), une longueur en bouche plus persistante qu’un Roquefort AOP Caves Baragnaudes sur un croissant toasté de la veille (une recette que nous avait confié le MOF Fromager Xavier Thuret)… Ce n’est pas du miel, c’est un élixir ! La potion magique des Solongnaux ! Le philtre des immortels… « C’est parce que nos miels sont sans glucose, de l’année en cours et soumis à une analyse pollinique très poussée », m’explique, pas peu fier, un des faux flics américains du Loiret. « On a une carte ADN très précise de nos miels, on a tout vérifié… » Mais vérifié quoi ? « Que c’est bien du miel ! » Sous entendu : pas du sirop chinois de contrebande. Pas l’horrible mélasse au risotto que certains voudraient nous refiler en berlingots… Allez, avouez-le, sur un malentendu ou en vacances, ça nous est arrivés à tous de « tartiner » à la va-vite avec une sorte de soupe au sucre. Et bien, c’était… du sucre ! Autant se taper un Mister Freeze à grumeaux ou du dentifrice, c’est exactement la même chose. Mais là mes amis, je vous le dis, on frôlait le divin. Dans le clair-obscur de cette cuisine de cinéma, cernés par des costards cravates en cagoules à voilettes, la bouche croquante et les lèvres fardées de gelée royale, il y avait du grandiose. Et il y avait aussi, j’en ai peur, de la honte… Non seulement, nous n’avions jamais goûté de miels aussi stupéfiants, mais nous n’avions jamais goûté de miel du tout !

L’Unité Spéciale du Miel et des Tartines au grand complet, quelque part dans la forêt du Gâtinais (Centre-Val de Loire)…
L’Unité Spéciale du Miel et des Tartines au grand complet dans la forêt du Gâtinais (Centre-Val de Loire)…

Le Miel des Rois

Devant notre désarroi et notre confusion, un colosse en smoking et vareuse s’est approché de nous. Et, d’une voix de druide celte dans la forêt des Loges, nous a dit soudain : « On mange 40 000 tonnes de miel aujourd’hui en France. Mais on n’en produit plus que 10 000… Il y a quelques années, mes parents faisaient jusqu’à 50 à 60 Kilos de miel par ruche et par an, vous vous rendez compte ? Aujourd’hui, quand j’arrive à en faire 20 avec 30 % de taux de mortalité de mes abeilles, je suis content. » Avançant à petit pas, comme si elle avait peur de déranger, une petite femme en imperméable et casque colonial avec de faux airs de Giuletta Masina dans La Strada, s’est appuyée sur les épaules du colosse pour prendre la parole : « Dans le Loiret, on était la plus grande région productrice de miel de France avec le miel du Gâtinais. Le miel des rois, celui qui était servi à la Cour depuis les Valois… Il y a peu, on comptait encore cinq conditionneurs de miel dans les environs. Aujourd’hui, nous sommes les derniers ou presque. Les pesticides ont tout ravagé en rentrant dans le cerveau des abeilles, on continue encore de perdre 40 % de ruches par an. Et celles qui restent n’ont plus rien à manger à cause des terres mises en jachères depuis les débuts de la PAC (Politique Agricole Commune). Si vous ajoutez à cela les ravages du Varroa destructor, un parasite venu d’Asie qui prive les abeilles de protéines et les empoisonne à petit feu – et qu’on n’a toujours pas réussi à éradiquer en 30 ans – ce n’est pas juste les abeilles qu’on est en train d’assassiner (70 % du cheptel Français a disparu), c’est l’humanité toute entière (1/3 de notre alimentation est tributaire des abeilles). » C’est à ce moment précis, je m’en souviens, que nous avons décidé de nous refaire une tartine de miel de Tilleul et de lever le doigt pour poser une question, comme il est d’usage dans une conférence de presse. Même avec un escadron d’apiculteurs en tenue de soirée avec des gants de protection en peau de vachette…

UNITE SPECIALE MIEL ET TARTINES
L’Unité Spéciale du Miel et des Tartines en tournée générale dans sa Dodge à la Ferté Saint-Aubin (Loiret)

Des fleurs, des fleurs

« Vous proposez quoi ? », avons-nous lancé aux Inspecteurs La Ruchette en costumes pas sur mesure. « Nous voulons re-polliniser la France pour sauvegarder notre alimentation, repeupler les colonies d’abeilles et relancer la production de Miel Français », nous a répondu du tac au tac le colosse aux mains en forme de raclettes à miel. « Ca commence par des fleurs. Des fleurs partout, chez vous, dans les jardins, les parcs, les entreprises, mais surtout les 20 % de terres agricoles qui ne sont pas cultivées et laissées en herbes. Si ces terres passaient en jachères mellifères, c’est-à-dire des fleurs qui donnent du nectar, si chacun y mettait du sien en faisant pousser ici et là des fleurs de son choix, alors les abeilles trouveraient à nouveau de quoi butiner. C’est pour ça qu’avec l’Unité Spéciale du Miel et des Tartines et la société Famille Vacher, nous poursuivons l’opération Des Fleurs pour les abeilles. Plus de 500 000 pots de la gamme Miel de France vont être ainsi proposés en grande distribution avec un petit sachet de graines mellifères contenant 2 000 à 3 000 fleurs. Et pour chaque pot de miel acheté, 1,50 € sera reversé pour la formation à l’apiculture et le financement de programmes de recherches sur les abeilles. » La vache ! Mais c’est la NSA (National Security Agency), cette Unité Spéciale du Miel et des Tartines

UNITE SPECIALE
L’Unité Spéciale ? Toujours sur le pont ! 500 000 de leurs pots de miel avec des sachets de graines vont être distribués cet été…

 « Les ruches de Notre-Dame ? C’est nous, celles de la Tour d’Argent aussi… » 

Notre-Dame

« Nous voulons également multiplier les ruches partout où c’est possible », prévient le colosse avec l’aplomb du Commandante Fidel sur la Plaza de la Revolucion. « Chez les particuliers, dans chaque famille, chaque collectivité, chaque entreprise qui le souhaite, nous pouvons installer des ruches clés en main, apporter une formation et une maintenance, nous occuper de la gestion administrative, récolter le miel et le mettre en pot avec une étiquette personnalisée, créer des animations dans les écoles, les supermarchés, etc. Rien qu’en Ile de France, nous avons déjà installé 200 ruches sur les toits, avec des pointes de 100 Kilos de miel par ruche et par an. » Les ruches épargnées sur les toits de Notre-Dame de Paris ? « C’est nous, celles sur le toit de la Tour d’Argent aussi… » En sortant des douves et de la torpeur dans laquelle nous avait plongé cette avalanche de révélations et de tartines au miel, le colosse nous a proposé de monter dans son énorme truck de fermier américain. Histoire de faire un tour dans La Ferté Saint-Aubin où il vient, coup sur coup, de racheter deux maisons avec hammam, jacuzzi, ânes et terrains de tennis pour loger les futurs étudiants de son école de « Miélologie ». Décidément, on s’est dit que ce garçon était plein de ressources et qu’il était temps qu’il tombe le masque…

Famille Vacher et Les Apiculteurs Associés, 3 Allée Joseph Cugnot, 45240 La Ferté-Saint-Aubin. Tel : 02 38 76 94 56. 

Texte : Olivier Malnuit (avec Pauline Mardelle)

Photos : Florian Thévenard

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