Phallus et potager

Nostalgiques du film «Neuf semaines et demi» d’Adrian Lyne ou de la célèbre tirade de Roberto Benigni sur l’amour avec une citrouille ( Une nuit sur terre» de Jim Jarmusch), les fétichistes du légume ont un nom – les sitophiles – mais pas encore de syndicat. Une seule chose est sûre: ils mangent équilibré.

« Cinq fruits et légumes par jour. » C’est le slogan du ministère de Ia Santé, c’est aussi celui des sitophiles (du grec sitos «blé» et philia «amour de» ), les nouveaux fétichistes de la carotte, du concombre, du poireau et de la citrouille, qui s’expriment urr peu partout sur Ie Net et prétendent vivre une relation érotique intense avec leur potager…

Scarlett Johansson
Une tendance qui puise son inspiration dans Ie culte du filrn Une nuit sur la terre de Jim Jarmusch. Et plus spécialement dans la célèbre scène où Roberto
Benigni avoue au prêtre qui vient de monter dans son taxi : « Je vivais dans un pays où les femmes étaient rares. D’ou l’idée de faire l’amour avec des citrouilles. Chaudes, douces, humides, auec des graines à l’intérieur, si rondes. » Info ou détox ? Les fruits et légumes
seraient ainsi devenus un nouveau type de sex-toys maraîchers au quotidien. Selon le tabloïd anglais Utterpants, la chaîne de supermarchés Tesco aurait même publié une circulaire à destination de ses employés, leur recommandant de pas mettre en vente les légumes trop contondants, en raison de leur « taille et de leur forme inappropriée » pour une clientèle familiale. « Le côté pénétratif de certains légumes est une légende urbaine qui fascine surtout les hommes, rétorquent Veronica Christina et Nico Johanna Roth, les fondatrices de Sex+Design, le nouveau magazine de fashion food fetichism qui cartonne à San Francisco (les photos de Scarlett Johansson assise en body en train de vider son frigo, c’était elles). Par contre, la caresse de fruits rouges comme les groseilles maquereau ou les airelles, par exemple, peut être une vraie source d’inspiration. »

Nutellisme
Utilisés comme accessoires érotiques, les fruits et légumes seraient ainsi consommés
« frottés » sur le corps en guise d’apéritifs aux phéromones, dans un hommage olfactif et vintage au film d’Adrian Lyne Neuf semaines et demi. Un phénomène sexuel tout a fait discutable et confidentiel outre-atlantique, mais largement aussi répandu que la pratique du
« Nutellisme » en Europe, qui consiste à se badigeonner le corps de Nutella, avant de tenter désespérément d’avoir un orgasme au parfum de noisette. My Supermarket, une enseigne britannique de grande distribution en ligne, vient d’ailleurs de produire un nouveau spot de pub satyrique sur les sitophiles, avec un couple s’aspergeant mutuellement de fayots en conserves et de pâte à tartiner, nus et poisseux sous la lueur blafarde de leur bac à légumes réfrigéré. Inégalée pour l’efficacité de ses campagnes, 1’association végétarienne américaine PETA (People for the Ethical Treatment of Animals) a également réalisé un spot intitulé
« Veggie Love » avec des mannequins en train de sucer des concombres, lécher des aubergines, prendre en bouche d’énormes carottes comme s’il s’agissait d’un godemiché à deux têtes, et se caresser les seins avec des artichauts. Malgré un budget de trois millions de dollars, le film dont le slogan était « Vegetarians have better sex » (les végétariens s’éclatent plus au pieu, ndlr), suivi d’images d’abattage de poulets et cochons, a été refusée par NBC, lui assurant ainsi les conditions d’un buzz énorme sur le Net.

Bouillon d’orties
Plus fort ? La sitophilie connait également un regain d’intérêt chez les amateurs d’épices, qui lui préfèrent le badigeonnage de poitrines à la moutarde, et la fellation piquante après un bouillon d’orties, au simple phallisme potager et aux cunnilingus fruités. Selon Neil Setchfield, qui publie un livre sur les mets les plus repoussants de la terre (Ça se mange ! Hoëbeke), les poissons-pénis coréens, une variété de ver marin en forme de zézette qui cartonne à Séoul, pourrait bien devenir le nouveau delicatessen des sitophiles. « En Corée, on les vend encore tout frétillants dans d’énormes viviers », explique le photoreporter. Mais là, ça ne fait plus bander personne.
Tristan Ranx (avec Victor Eugène)